Photographie d’un échantillon de bitume retrouvé à Orthez en 2017, Durlach, 2023
Résumé du projet
Enjeu écologique et économique majeur, le développement de bitume biosourcé est aujourd’hui une priorité pour les acteurs industriels comme académiques. Porté par le financement de quatre thèses de doctorat à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), ce projet interdisciplinaire se propose d’étudier les modes de production et l’impact environnemental des biogoudrons, notamment dans l’objectif de relancer une production industrielle durable en région Nouvelle-Aquitaine. Pour se faire, il s’appuie sur une collaboration inédite entre plusieurs laboratoires régionaux et internationaux (États-Unis, Venezuela, Albanie) autour d’une étude complexe et ambitieuse, située à la frontière entre physique-chimie, sciences de l’environnement, génie des procédés, et archéologie. En effet, les biogoudrons ont été largement exploités en région Nouvelle-Aquitaine au cours de l’histoire, laissant de nombreux sites et échantillons à disposition des chercheurs. Au fil de quatre axes de recherches interconnectés, ces derniers vont profiter de l’expertise développée dans les laboratoires de l’UPPA afin de synthétiser des biogoudrons, les analyser, tester leurs propriétés, leur résistance au vieillissement, et comparer ces résultats aux données archéologiques. En plus de faire avancer la recherche archéométrique, l’ensemble de ces expérimentations nourrira les efforts d’industrialisation de la plateforme Xylomat à Mont-de-Marsan, dédiée au développement de la filière bois dans les Landes de Gascogne. Un partenariat étroit avec les associations de dissémination scientifique et les musées de Nouvelle-Aquitaine permettra la diffusion des résultats auprès du grand public comme de la communauté scientifique.
Contexte du projet
Échantillons de goudrons de pin récoltés à Pissos (40), Durlach, 2023.
En ce début de XXIe siècle marqué par des crises environnementales dont la fréquence ne cesse d’augmenter, la lutte contre le réchauffement climatique apparaît plus que jamais d’actualité. Afin de respecter les engagements pris par la France et l’Union européenne de diminuer de près de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030 (accord-cadre « FIT for 55 »), les acteurs académiques et industriels se mobilisent fortement sur le terrain de la transition écologique. Si celle-ci passe par des changements de comportements individuels et collectifs, elle exige également une révision de nos modes de production, encore trop souvent basés sur l’exploitation de ressource fossiles. Ainsi, il devient nécessaire de trouver des alternatives durables aux matériaux que nous utilisons quotidiennement. Parmi ceux-ci, le remplacement du bitume, goudron fossile largement utilisé dans la construction navale, le bâtiment et la confection de routes, fait figure d’urgence. En effet, avec un marché national s’élevant à 2,6 millions de tonnes en 2021 (Source TotalEnergies), il représente le principal débouché de l’industrie pétrolière après celui des carburants et des plastiques. Les bitumes biosourcés ou biogoudrons se développent rapidement ces dernières années, portés par l’engagement des acteurs industriels auprès de l’État. Il en est ainsi de la société DRT, basée dans les Landes, qui a récemment développé une technologie d’enrobés issu du tall oil, matériau végétal provenant de la transformation papetière du bois de résineux. Le biogoudron aujourd’hui consommé en France, essentiellement dans le cadre de la sylviculture, de la chasse et du traitement du bois, est intégralement importé depuis les pays scandinaves. Au regard de l’ampleur de la forêt de pins maritimes des Landes, la valorisation de cette ressource constitue donc un enjeu de souveraineté économique majeur, auquel la recherche sur les biogoudrons peut contribuer dès aujourd’hui. Pour se faire, il faut cependant répondre aux interrogations qui subsistent quant aux méthodes de productions, aux propriétés, à la durée de vie, et à l’impact environnemental des biogoudrons.
État actuel des connaissances sur le sujet en archéologie : Particulièrement dynamique ces deux dernières décennies, la recherche sur les goudrons archéologiques a permis d’attester leur production et leur usage dans l’ensemble du bassin méditerranéen, du Paléolithique moyen (Mazza et al., 2006) jusqu’à nos jours. D’origine végétale ou fossile selon les ressources à disposition, le goudron a principalement été exploité pour ses propriétés hydrophobes, adhésives, combustibles, thérapeutiques ou encore organoleptiques (Durlach, 2022 ; Rageot, 2015 ; Conan, 2012). Si elle apparaît marginale aujourd’hui, la production de biogoudron est pourtant une activité qui connaît une spectaculaire survivance au cours de l’histoire. Les besoins en biogoudron ont été si importants au cours de certaines périodes historiques que des régions ont vu naître de véritables exploitations protoindustrielles, fournissant de précieuses opportunités d’étude de la pollution sur le temps long, en milieu sédimentaire comme aquatique. C’est le cas des Landes de Gascogne durant l’Antiquité : de Pissos (Vignaud, 2008) à Sanguinet (Conan et al, 2002) en passant par Audenge (Wozny, 2015), ce sont des milliers de vestiges de production de goudron qui ont été prospectés ou mis au jour, soulignant l’importance de cette activité en région Nouvelle-Aquitaine. Profondément liées à la gestion des ressources naturelles, ces exploitations ont eu un impact considérable sur le couvert forestier de nos régions. Si celui-ci commence à être étudié dans les Pyrénées-Orientales (Orengo et al., 2013) et dans le sud du Massif central (Mauné et Trintignac, 2007), la situation de la région Nouvelle-Aquitaine reste encore méconnue. Les interrogations concernant les modes de production, les modalités d’échanges, et l’impact des goudrons sur le paléopaysage ont été relancées par de récentes découvertes de goudrons médiévaux dans les sous-sols d’Orthez (Béague, 2020), aujourd’hui en cours d’étude à l’institut de recherche en archéologie antique (IRAA) [Durlach, 2022].
Voir la page personnelle d’Arnaud Durlach, doctorant en archéologie au laboratoire IRAA (antenne de PAU) depuis le 1er novembre 2023 : https://iraa.mmsh.fr/annuaire/doctorants/arnaud-durlach/
